Véronique Lecaros
L’Église catholique face aux Évangéliques.
Le cas du Pérou
Préface de Jeffrey Klaiber
Paris, L’Harmattan, 2013, 252 p.
ISBN : 978-2-296-99804-9
Les catholiques latino-américains représentent 43 % de l’ensemble des catholiques. Or depuis une trentaine d’années, nombre d’entre eux quittent l’Église pour d’autres religions, en particulier les groupes évangéliques, terme par lequel on désigne en Amérique latine les dénominations chrétiennes non catholiques parmi lesquels dominent les pentecôtistes. Aujourd’hui, les évangéliques représentent de 15 à 20 % de la population latino-américaine. Face à la croissance rapide et apparemment imparable des évangéliques, la hiérarchie catholique ne cesse d’exprimer son inquiétude et s’efforce d’endiguer l’exode. De manière très imagée, Jean Paul II qualifiait en 1992 les évangéliques de « loups voraces dévorant les catholiques latino-américains ».
Dans L’Église catholique face aux groupes évangéliques, le cas du Pérou, livre qui correspond à la première partie de sa thèse de doctorat en théologie catholique (Université de Strasbourg), Véronique Lecaros nous propose une analyse et une évaluation des stratégies développées par la hiérarchie catholique pour contrer le dynamisme et les innovations populaires des évangéliques. Dans le domaine politique que l’auteure connaît bien, puisqu’elle fréquente les milieux politiques péruviens depuis une trentaine d’années, Véronique Lecaros démontre comment dans un système de type corporatiste l’Église fait pression sur le gouvernement pour qu’il n’accorde pas aux groupes évangéliques les droits et privilèges octroyés par le Concordat de 1980. L’Église a connu un franc succès dans ce domaine, parvenant à garder la quasi-exclusivité de sa position. Cependant, les évangéliques, malgré leur désunion et leurs querelles internes, ont acquis progressivement visibilité et respectabilité. De nombreux pasteurs, profitant de leur chaire, ont réussi à être élus au parlement et sont courtisés par les politiques professionnels.
Dans le domaine pastoral, en revanche, l’auteure montre les limites de la stratégie ecclésiastique. Malgré les demandes répétées du Saint Siège réclamant une étude approfondie du phénomène, le clergé dans son ensemble connaît mal la dynamique évangélique et ne parvient pas vraiment à relever un défi qu’il ne comprend pas. Par ailleurs, le manque d’infrastructure et de personnel, en particulier de prêtres et de religieux, diminue grandement les capacités d’action de l’Église. Tenant compte de ses contraintes, l’Église, en s’efforçant d’éviter les débordements, privilégie et soutient les dévotions traditionnelles et de masse qui s’expriment entre autres, dans de grandes manifestations. Le culte du Seigneur des Miracles, la plus grande procession au monde, rassemble à Lima, en octobre, des centaines de milliers de fidèles, pendant plusieurs jours. Dans ce contexte, le choix de Rio pour les Journées Mondiales de la Jeunesse (Jmj) de 2013 n’est pas anodin. À la faveur de cette grande manifestation moderne de masse, la ferveur de millions de catholiques sera à son comble mais, malgré l’espoir de l’Église latino-américaine, les Jmj auront-elles un effet sur l’exode des fidèles ?