Lionel Obadia
Shalom Bouddha !
Judaïsme et bouddhisme une rencontre inattendue
Paris, Berg International, 2015, 224 p.
ISBN : 978-2370200341
Comment les plus anciens enfants d’Abraham, premiers monothéistes de l’histoire de l’Occident, en sont-ils devenus à être de fervents pratiquants du bouddhisme, au point, même, d’en figurer parmi les plus actifs promoteurs en Occident ? Depuis un demi-siècle, les jubous – mi-juifs-mi-bouddhistes – s’efforcent en effet d’inventer une forme hybride de spiritualité, qui mêlerait des « racines juives et des pétales bouddhistes » comme le veut l’expression consacrée Outre-Atlantique.
Un métissage que tout rend compliqué : les caractéristiques des religions en présence, les conditions historiques et idéologiques de leur rencontre, les enjeux sociaux qui restreignent ou facilitent l’adoption du bouddhisme dans les milieux juifs… Entre la tentation de l’ouverture individuelle et du mélange spirituel, et celle de la clôture communautaire et de l’observance orthodoxe, les options sont nombreuses et tournent toutes autour d’un seul thème : l’identité.
Des identités juive et bouddhiste qui résistent à leur dissolution, des identités dont le contenu et les contours deviennent flous et se redéfinissent chez les juifs ralliés aux spiritualités asiatiques, et plus encore, chez ceux qui, à la fin de leur odyssée spirituelle, redécouvrent leur héritage culturel et confessionnel. Les jubous sont-ils alors plus ju(ifs) ou plus bou(ddhistes) ? Peuvent-ils réellement inventer autre chose qu’une alliance de traditions existantes ?
Dans tous les cas, la rencontre entre deux religions orientales (l’une, proche-orientale et l’autre, extrême-orientale) est originale, certes, mais pas si inattendue que cela dès lors que le regard se porte sur plusieurs continents (les aires d’expansion du judaïsme, notamment en diaspora), les relations entre le judaïsme et les religions asiatiques dévoilent des racines profondes et complexes à démêler. Ce détour par l’Asie antique, en passant par l’Europe victorienne, se poursuit dans l’Amérique d’après-guerre et s’achève en Israël : dans chaque contexte, les religions évoluent dans des conditions culturelles et politiques particulières, qui expliquent que la fusion du bouddhisme et du judaïsme n’aura pu prendre forme qu’au coeur de la modernité et de l’Occident (puis au Moyen-Orient), après de nombreux rendez-vous manqués dans l’histoire.
Lionel Obadia est professeur en Anthropologie à l’université de Lyon, il est fellow de l’Institut d’Etudes Avancées de Strasbourg (USIAS – promotion 2014), où il poursuit ses recherches sur les variations anthropologiques du religieux dans l’histoire et dans les sociétés, depuis les temps antiques jusqu’à l’ère de la mondialisation. Il est l’auteur d’une centaine d’articles de revues et d’une dizaine d’ouvrages dont notamment : La Marchandisation de Dieu (CNRS Editions, 2013), L’anthropologie des religions (La Découverte, 2007), Le Bouddhisme en Occident (La Découverte, 2007), La Sorcellerie (Le Cavalier Bleu, 2005), La Religion (Le Cavalier Bleu, 2004), L’Ethnographie comme dialogue (Publisud, 2003).